Caroline Colchen-Carré de Malberg est née à Metz le 8 avril 1829, seconde fille d’une famille de quatre enfants. Sa première éducation chrétienne se fit en famille : ses parents la préparèrent à la première communion et à la confirmation. Son père lui fit promettre alors de ne pas manquer un seul jour sans invoquer la Vierge Marie.
En 1841, Caroline partit en pension à la Visitation de Metz. Elle en garda un très bon souvenir, malgré la typhoïde qu’elle contracta et dont elle garda des séquelles toute sa vie. Elle n’était pas une petite fille parfaite et avait un caractère décidé. Mais si on lui montrait ses erreurs et ses défauts, elle s’efforçait d’y porter remède. Elle eut la chance d’avoir comme confesseur l’aumônier des religieuses, l’abbé Jegou, qui comprit vite son désir de sainteté. Elle garda avec lui des contacts épistolaires toute sa vie. C’est lui qui fut déterminant dans sa vocation, car Caroline se sentait attirée par le Carmel. Il lui fit comprendre qu’elle ne supporterait pas les pénitences du Carmel, sa santé ayant été très ébranlée par la typhoïde, et lui déconseilla la vie religieuse.
En 1846, Caroline rentra donc chez ses parents et se prépara au mariage. Quand son cousin germain, le capitaine Paul Carré, âgé de 24 ans, la demanda en mariage à ses parents, en 1848, elle répondit sans hésiter : "Vous pouvez répondre ce que vous voulez sauf non". Le mariage eut lieu le 2 mai 1849. Les jeunes époux ne se connaissaient guère. Elle est intelligente, énergique, très sensible, d’une grande foi. Il est loyal, droit, fidèle, croyant mais non pratiquant ; elle obtiendra sa conversion.
En 1869, le couple habite la capitale, sur la paroisse Sainte-Clotilde, où l’a conduit le service de Commandant de Paul Carré, attaché à la garnison de Paris. Ce couple vient de perdre une petite fille de 4 ans, après deux autres enfants, morts aussi en bas âge ; il lui reste un seul fils, le deuxième, Paul. Madame Carré, très désemparée après la mort de l’enfant, se présente au confessionnal de l’abbé Henri Chaumont et lui fait part de sa souffrance. Il l’accueille avec bonté ; elle réfléchit et prend conseil de son frère Dominicain avant de choisir pour guide spirituel ce jeune prêtre de 31 ans.
De par la situation de son mari, Madame Carré reçoit beaucoup de femmes d’officiers et elle a de nombreuses relations. Ces réunions et ces rencontres sont certes marquées par l’esprit mondain. Cependant, l’influence discrète de cette femme pondérée, mûrie par les épreuves, formée à la vie de prière et soucieuse d’apostolat, agit sur les invitées.
L’abbé Chaumont lui conseille de réunir quelques-unes d’entre elles pour parler de vie chrétienne et voir comment vivre, dans leur condition de vie quotidienne, les conseils que saint François de Sales donne à « Philothée », dans l’Introduction à la Vie dévote. Ainsi s’ébauche cette petite « Société » dont il rêve et dont saint François de Sales lui a fait entrevoir la possibilité et la nécessité. Les choses cependant mûrissent lentement. Interrompues par la guerre de 1870, les réunions reprennent régulièrement. En septembre 1872, l’abbé Chaumont, Madame Carré et une de ses amies se retrouvent à Annecy pour demander l’aide de saint François de Sales pour la fondation envisagée.
La première réunion a lieu le 15 octobre 1872, rue Cassette, à Paris, avec Madame Carré et deux amies mariées. Après avoir prié, l’abbé Chaumont leur lit quelques pages intitulées : "Règlement des Filles de Saint François de Sales", petite chartre de vie évangélique dans le monde, sous le patronage de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal. Elles s’engagent à le suivre. Peu de temps après : « La Société des Filles de Saint François de Sales » est née.
Le but de la « Petite Œuvre » est de "conduire à la sainteté évangélique des personnes ... vivant dans le monde", auxiliaires des prêtres dans leur ministère sacerdotal. C’est une "école de formation continue et de conversion permanente" en vue de l’apostolat.
En marge de la Société, en lien avec elle et pour faire "pénétrer l’esprit chrétien" dans la famille, les relations et le monde professionnel, l’abbé Chaumont fonde les « Dames chrétiennes », les « Institutrices chrétiennes », les « Veuves chrétiennes » et d’autres groupes semblables. À la tête de chaque groupe, il y a une « Fille de Saint François de Sales ». Il y en avait plus de trente à la mort de Madame Carré. L’une de ces institutions, « l’Oeuvre de Marie Immaculée », suscitée par mademoiselle Cardou, se développa si bien qu’elle engendra les « Catéchistes Missionnaires de Marie Immaculée ».
Parmi ces catéchistes missionnaires, quatre laïques partirent le 13 octobre 1889 pour Nagpur, en Inde, avec Félicie Gros (Mère Marie Gertrude). Au moment de leur départ, Madame Carré avait pu leur adresser une chaleureuse bénédiction et cette nouvelle dimension d’un apostolat de laïques salésiennes fut pour elle, peu de temps avant sa mort, une grande joie. Celles-ci deviendront les Salésiennes Missionnaires de Marie Immaculée (SMMI).
Le rôle de Madame Carré fut important. Très vite, elle fut désignée comme directrice générale à vie de la Société. Il fallut chercher des locaux plus grands et l’on passa de la rue Vaneau à l’immeuble de l’avenue de Breteuil qui s’appela la « Maison du Bon Dieu » puis, du vivant de l’abbé Chaumont et jusqu’en 1980, à la rue de Bourgogne.
C’est grâce à elle que fut fondée, en 1876, la « Société des Prêtres de Saint François de Sales ». L’abbé Chaumont hésitait ; Madame Carré le poussa à agir, voyant la nécessité d’avoir des prêtres connaissant bien la spiritualité salésienne pour orienter les « Filles ».
Les dernières années de Madame Carré furent assombries par la mort et la maladie, mais elles furent aussi celles de sa montée vers la sainteté. Paul, son fils, officier comme son père, fut admis à l’École de guerre à Paris. Son avenir s’annonçait brillant et c’est au moment où il comblait les vœux de ses parents que, brutalement, il leur fut arraché. Une chute de cheval le laissa mortellement blessé. Après des semaines de souffrances, il mourut comme un saint, le 5 juin 1885. Il avait 30 ans. Caroline et son mari sortirent brisés de cette épreuve, acceptée avec courage. Madame Carré est atteinte d’un cancer dès 1879. La maladie s’aggrava après la mort de Paul, entraînant de grandes souffrances.
L’abbé Chaumont, venu la voir à Lorry-lès-Metz, après son départ de Paris en 1890, lui proposa de faire prier les membres de la Société des Filles de Saint François de Sales pour sa guérison ou pour sa mort. <
>Elle réfléchit et répondit : "Que l’on fasse ce qu’on veut. Je ne refuse pas la guérison, je ne refuse pas non plus la mort". Elle acceptait la volonté de Dieu. Elle s’éteignit le 28 janvier 1891, veille de la fête de saint François de Sales.
Sa renommée de sainteté se répandit assez vite, pas seulement dans la Société Saint François de Sales. Le procès de béatification de Caroline Colchen de Malberg, déjà reconnue Vénérable, est en cours.